[Témoignage] Réaliser son rêve d’ado : travailler dans la musique

IsaAc Bonnaz est auteur, compositeur, interprète et musicien. Il a su très tôt qu’il voulait travailler dans la musique. Il s’est donné les moyens de concrétiser ce rêve. Il revient sur son parcours, répond à toutes mes questions et joue même un morceau avec son lapsteel (un instrument assez original). Cette interview est disponible au format vidéo ou au format texte, juste en-dessous.

1. Peux-tu te présenter sans utiliser le mot « musique » ?

Je suis musicien (j’ai respecté la règle). Je travaille dans ce lieu, je fais des enregistrements, j’écris, je compose, je joue sur scène, et j’aide d’autres musiciens et auteurs à produire leurs disques.

2. Quand as-tu su que tu voulais travailler dans la musique ? Et comment ?

Vers 15 ans. C’était au Tchad. J’ai monté mon premier groupe avec Israël Rimtobaye (qui fait partie du groupe H’Sao), et quelques collègues du collège. À l’époque j’étais en 3ème. Les quelques fois où je suis monté sur scène, les répétitions, ça m’a donné envie. Et très rapidement, j’ai fait des stages au Centre Culturel Français, au son. J’ai su là que c’était ce que je ferai de ma vie.

Parce qu’il faut quand même être sage et que c’est pas très sage de faire de la musique, j’ai pris l’option de l’angle de la technique pour y arriver (NDLR : humour).

3. Le plan pour y arriver ?

Passer par la technique. J’ai fait un BTS audio-visuel en son. Après, je considère le travail du son technique comme de la musique. Comme un instrument, il faut maîtriser des techniques pour faire sortir ce qu’on a envie d’en faire sortir, et exprimer des émotions.

En parallèle j’ai continué à travailler mes instruments : la guitare et la voix principalement, mais aussi la basse, et d’autres choses.

J’ai monté une boîte de sonorisation avec des collègues, puis j’ai développé la partie studio, et en parallèle j’ai monté des produits de musique, de compo pour aller sur scène et jouer.

Ça a été assez instinctif. Je n’ai pas fait de plan sur 10 ans mais j’ai suivi aussi les opportunités pour m’aiguiller vers tel ou tel projet.

4. Dans la réalité ? C’est facile à concrétiser un tel plan ?

Dans la musique, pour l’angle technique, il n’y a pas tant de débouchés que ça :

  • Le cinéma : mais avec un BTS, en général, ce n’est pas suffisant. iI faut faire d’autres formations, même si par le biais de stage on peut entrer. Il y a des écoles de cinéma
  • La sonorisation : il y a du débouché, il faut se faire son trou, mais c’est très dur physiquement : les horaires, c’est des journées des fois de 20 heures, et puis il faut porter, monter, démonter, charger les camions, rouler… C’est plus les conditions qui font que certains ne s’y engagent pas, ou pas longtemps.
  • La télé : c’est un monde particulier. Il y en a qui aiment et d’autres pas.
  • Le studio : c’est très fermé. Soit par le biais de stages ou de formations on arrive à entrer dans des studios existants, soit il faut monter sa structure. C’est ce que j’ai fait, mais j’ai mis 10 ans et parce que je n’étais pas tout seul. Il y a tellement d’investissement de matériel, à moins d’avoir un héritage ou quoi, seul, c’est vraiment très compliqué. Nous on a monté une société, on s’est associés et pour la partie studio ça a mis 10 ans à tourner.

Sur notre promotion de BTS, on était 10 en son, et on est 2 ou 3 à être encore dans ce domaine. Certains l’ont été longtemps mais ont fini par bifurquer. Il y en a qui ne sont même pas rentrés dans ce monde-là. C’est un milieu qui n’est pas évident. C’est beaucoup de réseau

5. Aujourd’hui, d’un point de vue musique, en quoi consiste ton travail ?

Je ne fais plus de sonorisation. C’est l’aspect physique qui m’a stoppé. Mixer le live j’aime beaucoup, mais charger et monter/démonter, ça me fait trop mal au dos. Donc j’ai arrêté.

Je fais aujourd’hui :

  • 70% de travail en studio pour d’autres projets que j’enregistre, que je mixe et que je réalise.
  • Et les 30% qui restent se concentrent sur mon trio. Je compose, j’enregistre, je fais mes clips, je tourne, je fais des concerts, on répète.

Et ça prend 150% de mon temps.

6. Ce que tu aimes le + dans ton métier ?

Ça dépend des moments. J’aime beaucoup être sur scène, mais parce qu’il y a eu le travail avant de recherche en studio. Et j’aime beaucoup travailler avec d’autres parce que c’est très enrichissant. Mais si j’avais un classement à faire, ce serait d’abord d’être sur scène.

7. Ce que tu aimes le – ?

C’est recaler les musiciens quand ça joue pas très bien. Des fois c’est moi que je dois recaler, c’est encore plus dur.

En fait, on est arrivé, avec les outils qu’on a , à des tels niveaux de précision rythmique, harmonique, mélodique que tout est retouché. Je pense qu’il y a que dans le jazz qu’ils se permettent des erreurs. Même dans le classique ils éditent tout et recalent les pistes. Dans la pop, c’est encore pire, tout doit être vraiment parfait. Du coup, on est habitués à ces niveaux de précision. Dans les projets que je fais, j’essaie de dire à certains musiciens qu’il faut encore travailler. Mais pour d’autres, c’est même pas ça. Ils sont très précis mais le niveau de production exige une précision encore plus grande.

Sur les albums, les auditeurs et les radios attendent ce niveau d’exigence. Sur scène, le niveau aussi a augmenté sur cette attente de précision. C’est très paradoxal parce que le cas le plus extrême c’est sur la justesse de la voix avec auto-tune.

8. Que penses-tu d’autotune ?

À l’origine, c’est un logiciel militaire qui était sensé caler les fréquences radio pour qu’elles soient parfaites. Ça a été détourné dans l’audio pour caler les justesses de voix. Une note, c’est une fréquence, donc on cale des fréquences.

L’extrême aujourd’hui, dans la pop française, c’est par exemple Gim’s ou PNL. Certains chantent très bien et comme Gim’s qui utilise autotune sur scène pour l’effet. Et il y a des groupes comme PNL qui ne chantent pas bien, ce sont des rappeurs, mais utilisent autotune pour améliorer la justesse en plus de l’effet. Il y a d’ailleurs une vidéo qui a circulé où lors d’un concert, leur autotune s’est arrêté…

Il y a un paradoxe parce qu’on amène la production studio sur scène (même physiquement et techniquement, le matériel est transportable aujourd’hui), donc il y a ce niveau de précision amené sur la scène, et de l’autre côté, on s’en fout, on chante faux, on met autotune.

Je pense quand même que globalement, le niveau technique des musiciens et des chanteurs lors des lives a augmenté par rapport à il y a 50 ans. Après, est-ce que ça amène plus d’émotions ? Non. J’écoute des albums des années 60 et c’est faux en fait. Même des productions énormes de l’époque, comme Michael Jackson, il se permettait d’être un peu faux parfois, d’avoir des saturations. Techniquement, c’était déjà énorme. Mais aujourd’hui, on ne tolèrerait plus ça. Mais les enregistrements des années 50, tu as une très forte émotion. Techniquement, les batteurs, les guitaristes, en pop ont gagné en niveau technique. Après, en classique ou en jazz, la virtuosité est ancienne. Mais en pop, même un artiste comme Gims qui fait des trucs en studio très simples (pas en production) mais en terme de mélodie et de son, sur scène, il a une équipe de musiciens, c’est de tueurs. Donc même en pop, ils amènent ça.

Après, j’suis pas un fan de maître Gims mais il est bon dans son style et son directeur artistique est un très bon bassiste et je l’aime bien.

9. Quel est ton plus beau souvenir musical ?

Le plus beau concert que j’ai vu, c ‘est Fink. Déjà j’aime énormément cet artiste, ce qu’il fait. Et il y avait le contexte.

Sur scène, le plus beau souvenir que j’ai, c ‘était dans une petite salle privée chez quelqu’un où on devait jouer avec le groupe. Il y avait de la neige, plein de personnes n’ont pas pu venir, dont les musiciens. Je me suis retrouvé tout seul, sans sono, avec ma guitare devant une trentaine de personnes. Ça reste pour moi mon plus beau souvenir de partage de musique. Dans la simplicité.

10. Quel est ton style musical ? Quelles sont tes influences ?

Je suis guitariste et chanteur donc ça oriente beaucoup de choses dans ce que je fais sur scène. En terme de style, c’est un travail que je fais depuis 10 ans, définir mon style. Je travaille avec une femme qui fait de la diffusion pour les concerts. Pour me vendre, elle doit me mettre dans des « cases ». Ce qu’elle a trouvé c’est :

  1. Chanson : parce que je chante en français et que si on ne fait ni du rock, ni du rap, on est dans cette catégorie.
  2. Blues : comme c’est basé sur le trio basse / batterie / guitare, ce n’est pas de la variété, ni de la pop.
  3. Afro : c’est la dernière composante de mon style, puisqu’il y a beaucoup d’influences d’Afrique centrale puisque c’est là que j’ai vécu et que j’ai appris à jouer et à chanter. Il y a certaines parties de morceaux que je chante en sango, la langue du Centrafrique.

Les influences, c’est beaucoup Ben Harper parce qu’il est arrivé très tôt dans mon apprentissage de la musique. Ado, c’est ses parties de guitare que j’ai essayé de déchiffrer. Ensuite, il y a Keziah Jones, un artiste nigérian qui chante en anglais mais son jeu de guitare est assez particulier. J’ai assez rapidement essayé de déchiffrer ce qu’il faisait, et du coup, composé avec ses influences musicales. Et le troisième que je cite tout le temps, c’est Fink, dans la simplicité des arrangements, le son anglais très simple.

11. Tu as une particularité : le lapsteel.

J’ai découvert le lapsteel avec Ben Harper. Au Tchad, c’était inaccessible et je pensais que c’était compliqué. Pour mon premier album, j’ai acheté un lapsteel pour essayer et ça m’a beaucoup plu.

Il y a des joueurs de lapsteel en France. Pas beaucoup mais il y en a. Mais assez peu qui composent avec et qui chantent. Il y en a un en ce moment qui tourne qui s’appelle Will Barber. C’est très bien ce qu’il fait. Il fait pas mal de reprises, il ré-arrange. Il s’est mis à faire des compos aussi mais il chante pas mal en anglais. Mais en français, on n’est pas nombreux.

J’en ai racheté un autre parce que la particularité de cet instrument, c’est que les accordages qu’on utilise définissent les tonalités des morceaux. Avec un lapsteel et un accordage, on a une seule gamme possible. Du coup, là, j’en ai acheté un autre pour justement ouvrir et avoir d’autres tonalités, d’autres couleurs, et aussi un autre son. Comme il y a peu de gens qui jouent du lapsteel, à la fois c’est particulier, donc difficile à placer, et en même temps ça fait un atout. J’ai un ou deux titres par album où je l’utilise, et sur scène je fais entre 2 et 4 titres avec.

12. Tu as déjà plusieurs albums ?

Le premier c’est « Désert » qui est sorti en 2010. En 2018 est sorti mon cinquième « Vertiges ». Il est sorti en CD, téléchargement, et vinyle, à l’ancienne. Il est disponible chez quelques distributeurs en local, mais sinon, tous mes albums sont disponibles sur mon site isaacbonnaz.fr.

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