Je viens de recevoir le commentaire suivant sous une vidéo de notre chaîne Youtube : « Je me demande comment se créer des amitiés en IEF, et comment les maintenir ? » J’ai d’abord commencé à répondre par écrit à cette personne, mais ma réponse étant de plus en plus longue, je me suis dit que le plus simple était d’en faire un article, qui en plus, profiterait à tous.
La socialisation
Socialisation et sociabilisation sont deux termes qui reviennent tout le temps dès lors que vous informez votre entourage que votre enfant ne sera pas scolarisé dans une école bâtiment.
La socialisation, c’est le fait d’apprendre à vivre en société, d’intégrer les codes, les normes et les valeurs de la société dans laquelle on vit.
L’école est un moyen d’apprendre ces notions. Mais pas la seule. Bien sûr, en collectivité, l’enfant apprend à évoluer avec ses pairs, à respecter des règles bien définies, un cadre qui permet l’harmonie.
Mais un enfant en IEF apprend lui aussi ces choses, déjà à la maison, parce que je pense que c’est le premier endroit où apprendre à respecter ses propres besoins comme ceux des autres, mais aussi à chaque sortie. Djanaé connaît très bien les règles de savoir vivre et de politesse, les bonnes attitudes à avoir dans la rue quand elle est à pied ou en vélo, elles sait aussi écouter et respecter les règles quand elle fait une activité de groupe (par exemple à l’équitation), elle se tait quand elle assiste à un spectacle de contes, et elle apprend à adapter son attitude en face d’un tout petit, d’un adulte ou d’une personne âgée.
Il y a des couacs, bien sûr (à la maison comme à l’école), parce que c’est un apprentissage de tous les jours, mais chaque situation du quotidien est un cas pratique. Enfin, à la maison aussi, on apprend ce qui est autorisé ou non dans notre pays, nos droits et nos devoirs, et on compare avec d’autres pays.
La sociabilisation
La sociabilisation, c’est le fait de rendre sociable, c’est-à-dire de vivre avec les autres en société (en groupe), et être agréable à vivre. C’est ici qu’entrent en jeu les différentes relations.
En cherchant la définition exacte du mot « sociabiliser », l’exemple donné que j’ai trouvé, c’est « l’école sociabilise les enfants ». Je ne suis pas entièrement d’accord. Oui, l’école permet à un enfant d’être avec d’autres enfants, donc de favoriser les échanges et les jeux. Mais personnellement, une vraie sociabilisation, c’est permettre à l’enfant d’être lui-même et de savoir créer des liens avec des personnes de toutes les générations. Or, à l’école, l’enfant n’évolue qu’avec ses pairs, et du même âge en plus. Peu d’enfants sont vraiment à l’aise avec les adultes, peu d’enfants ne se croient pas supérieurs dès lors qu’ils sont « plus grand que »…
Mais il y a aussi le fait que la sociabilisation ne doit pas toujours passer par le groupe. Dans un groupe, il y a toujours une confrontation des caractères et se sont souvent les personnes avec un caractère déjà fort qui sociabilisent vraiment, puis qui imposent un peu leurs règles. Les timides, ceux qui manquent de confiance en eux, ceux qui ont besoin de temps pour observer… tous ceux là sont souvent laissés pour compte. Ou deviennent malheureusement les souffre-douleurs des autres. Alors oui, la sociabilisation passe aussi (et majoritairement, je dirais) par des mini-groupes de 3 ou 4 personnes, ou par un lien entre deux personnes.
Finalement, un enfant scolarisé peut être très seul et ne pas avoir appris à sociabiliser, alors qu’un autre, instruit à la maison, peut être à l’aise peu importe avec qui il se trouve.
6 façons de créer des amitiés en IEF
Maintenant que nous savons que l’IEF n’est pas du tout incompatible avec le fait d’être social et sociable, venons-en à la question qui m’a été posée. Voici comment favoriser la création des amitiés en IEF :
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Grâce aux relations des parents : si vous êtes quelqu’un de sociable, vos enfants rencontreront forcément du monde. Vos voisins, vos amis, vos collègues de travail, votre famille, les membres de votre association ou de la chorale à laquelle vous participez… Vos enfants seront au bénéfice de vos relations, et si vos connaissances ont des enfants, naturellement, des liens se créeront. Alors bien sûr, il est aussi question d’affinités. Par exemple, chez nous, Djanaé a des cousins/cousines qu’elle voit régulièrement, ainsi que des enfants d’amis proches à nous également. Mais elle appelle aussi « tatie » et « tonton » tous nos amis qui n’ont pas forcément des enfants de son âge, ou pas d’enfants du tout, mais qu’elle apprécie parce qu’elle les voit très souvent. Un lien s’est créé à travers les générations.
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Grâce aux activités à l’extérieur : c’est un point important à mon sens, que de permettre aux enfants instruits à la maison d’avoir des activités sans nous. Et dans ces activités, ils apprennent à respecter l’autorité du prof ou de l’accompagnant, ils créent un lien différent à l’adulte, et se font aussi souvent des copains. Djanaé a toujours adoré ses professeurs de danse et d’équitation. Elle se fait des copines (oui, il y a plus de filles dans ces activités-là) chaque fois qu’on l’inscrit à un stage. Le fait de revoir les mêmes personnes semaine après semaine, dans une activité que l’enfant aime, ça permet vraiment de créer des liens positifs avec les autres membres du groupe.
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Au parc : même si vous avez un jardin, je vous invite à aller régulièrement au parc, au square, au jardin de ville… vous verrez souvent les mêmes têtes et des amitiés peuvent se créer. Les enfants non scolarisés peuvent se retrouver entre eux aux heures d’école, mais il y a aussi un joli mélange qui se fait après la sortie des classes en fin d’après-midi. D’ailleurs, c’est rigolo parce que la question que pose chaque enfant scolarisé à Djanaé, c’est « tu es en quelle classe ? Dans quelle école » Et quand Djanaé répond qu’elle ne va pas à l’école, ça crée tout de suite une discussion, donc un lien. Puis les jeux prennent le dessus et on se dit « à demain ».
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Grâce aux groupes IEF : si vous êtes un peu isolés géographiquement, ou si vous n’avez pas beaucoup de connaissances, sachez qu’il existe des groupes facebook par département ou région. Il existe aussi parfois des associations dont vous trouverez les noms et les lieux sur Internet. Il suffit de taper dans votre moteur de recherche « groupe IEF + le nom de votre région » et vous trouverez forcément. Et ensuite ? Et bien vous pouvez entrer en contact avec d’autres familles qui ont des enfants du même âge, faire des sorties ou des activités ensemble, aller chez les uns et les autres…
- Par des échanges : cette façon de se faire des amis est pour les enfants sachant déjà lire et écrire. Vous pouvez trouver un correspondant à votre enfant, parlant français mais vivant à l’étranger (ou pas), ou un correspondant étranger. C’est le moyen d’échanger sur sa culture, sa façon de vivre. C’est aussi un moyen de parler de choses plus profondes, qu’on n’aborderait peut-être pas en face à face. Enfin, c’est une super méthode pour apprendre une autre langue. Et si en plus on peut un jour, créer une rencontre réelle, c’est le top !
- En voyageant : voyager permet de rencontrer d’autres personnes. C’est un super moyen d’apprendre à aller vers les autres, de créer des contacts. Et parfois, ce sont de véritables cous-de-cœur amicaux qui ont lieu.
Comment conserver une amitié en IEF ?
Si vous êtes sédentaires, c’est assez facile : il suffit de créer une régularité dans les contacts. Et pour cela, et bien inscrivez vos enfants à des activités régulières, invitez ses copains et copines chez vous de temps en temps, prévoyez des sorties ensemble, donnez-vous rendez-vous dans des lieux une ou deux fois par mois.
Si vous êtes nomades comme nous, ou si vous avez déménagé, ou encore si l’enfant a des amis qui habitent loin, voici quelques pistes pour entretenir l’amitié :
- les rendez-vous skype (ou appels whatsapp) pour discuter en se voyant,
- les mails et les lettres,
- les photos que l’on envoie pour raconter des anecdotes, partager un bout de vie, et surtout permettre aux enfants de penser les uns aux autres,
- prévoir de se voir une fois par an si possible, et si les enfants sont assez grands, leur permettre de voyager seuls (il existe pour les voyages en train ou en avion la possibilité qu’un adulte accompagnant de la compagnie prenne en charge un mineur pour le voyage) pour aller voir leurs amis.
Et puis parfois, la relation se distend. Ce n’est pas grave, c’est la vie. Quand un lien se distend, un autre se resserre en général. L’essentiel est d’être à l’écoute de l’enfant, de ce qu’il ressent, et de l’accompagner au mieux dans ce qu’il vit.
J’espère que cet article vous aura un peu rassuré sur cet aspect de l’instruction à la maison qui inquiète beaucoup de personnes. Si vous avez d’autres idées pour favoriser les liens et les relations, partagez-les dans les commentaires. Merci d’avance !
6 Commentaires. En écrire un nouveau
Bonjour,
Merci pour cet article qui est vraiment intéressant ! Ce sont les #ief sur instagram qui ont attisé ma curiosité. Les activités éducatives présentées en image m’impressionnent et semblent être réellement en phase avec ma façon de vouloir apporter des connaissances a mon enfant !
J’ai toujours eu cette envie de pouvoir instruire moi même mes enfants (pour l’instant j’ai un bébé de 5mois) mais deux craintes me viennent :
– ce sujet de sociabilité de l’enfant.. J’ai des connaissances qui ont fait l’école à la maison et ils sont relativement introvertis et atypiques dans leur personnalité. Et mon mari et ma famille proche défendent cet avis des que le sujet d’école à la maison est abordé.
– ma deuxième crainte est de ne pas être apte a tout gérer…. Souvent l’image qui m’a été présentée pour une maman (mère au foyer), c’est que quand ses enfants sont a l’école elle « souffle » et prend le temps de s’occuper de la maison…
Ce sont deux objections lourdes qui m’empêchent de pouvoir envisager l’ief, pourtant ça me semble tellement chouette ! Vos conseils seront bienvenus 🙂
Merci beaucoup
Avant, on avait la possibilité de tester tranquillement entre les 3 ans et les 6 ans de l’enfant. De voir, de mettre l’enfant peut-être deux ou trois demi-journées par semaine à l’école, le reste à la maison. Depuis que l’instruction est obligatoire à partir de 3 ans, c’est difficile de vraiment se rendre compte. Parce qu’à trois ans, effectivement, un enfant demande beaucoup d’attention, et souvent. Alors qu’à 5 ans, il a eu le temps de gagner en autonomie et de s’occuper seul plus longtemps.
La sociabilisation n’est pas un problème en soi. Je connais des enfants qui vont à l’école mais qui ne parlent à aucun autre enfants. Ils passent leurs récrées quasi seuls, et n’ont pas d’amis en dehors des copains de classe. Et d’autres instruits en famille qui se font des copains partout, qui parlent aussi bien avec les adultes que les petits… Il y a bien sûr le caractère de l’enfant qui entre en compte. Le fait aussi que si on le force, si c’est trop « violent », il peut se braquer. Notre fille, quand elle était pitchoune, ne jouait pas avec les autres enfants au parc. Elle regardait, restait en retrait, observait, et n’allait jouer que quand tout le mon s’en allait. Avec le recul, j’ai compris qu’elle ne se sentait pas en sécurité. Trop de bruits, de mouvements brusques et imprévisibles. Je l’ai encouragée mais jamais forcée. Et petit à petit elle a gagné en confiance en elle et aujourd’hui, fait partie de ces enfants qui vont vers les autres sans aucune difficulté.
Tout ça pour dire que vos craintes sont légitimes. Il y a toujours des exemples qu’on ne veut surtout pas suivre. Mais ce n’est pas parce que vous avez vu une façon de faire, que vous avez une vue d’ensemble. Ni que c’est comme ça que vous allez fonctionner. Il y a plein de vidéos sur le sujet sur ma chaîne Youtube (tapez Anne-Estelle Youtube et fouillez 🙂 ) Parce que un commentaire ou un mail ne suffiront pas 😛
Amicalement,
Anne-Estelle
Cela me fait plaisir de voir que le voyage fait partie de tes façons de créer des amitiés car c’est un argument que nos proches opposent facilement à notre projet de voyage, pour eux synonyme d’isolement, de désocialisation, de marginalisation !
Nous sommes aussi convaincus qu’il permet plutôt de se découvrir soi-même et de s’ouvrir au monde.
Amicalement
Ah oui ? C’est dommage d’avoir cette vision. Quand je vois tous les enfants qui voyagent, comment ils créent du contact facilement, comment ils observent les gens qu’ils rencontrent, les façons de faire. Leur curiosité turbine à mille à l’heure, et ils n’ont aucune crainte face aux adultes (une qualité qui est assez rare chez les enfants scolarisés). Après, quand on voyage beaucoup, on ne crée pas beaucoup de liens profonds. Mais ça, ça s’équilibre et ça s’entretient aujourd’hui, quand il y a des coups de coeur amicaux.
Cet été, on a rencontré une famille habitant sur Paris, dans un chalet en haute Savoie. Et bien on essaie de se voir deux ou trois fois par an, parce que Djanaé et leurs filles ont vraiment créé un super lien, et nous les parents entre nous aussi. Alors on provoque les rencontres. Il y a toujours un moyen 🙂
Bonjour bonjour, ici ma fille est très proche des enfants de notre voisine. Il y a quatre enfants :2 plus âgés qu’elle et 2 plus jeune.
Elle joue à sa manière avec les 4. Ils se rencontrent au moins une fois par semaine après l’ecole.
A côté il y a la piscine, avec une copine aussi de son âge. Chaque semaine elles s’échangent des petits cadeaux ( coloriage, gâteau, bonbon).
Le voisinage peut vraiment être une belle source d’amitié. Je connais une maman dont le jardin devenait le square de tous les enfants du quartier les aprés midi d’été et pendant les vacances. Ses enfants à elle était non sco, mais tous ceux du voisinage oui, et pourtant, ils se réunissaient tous dans leur jardin 🙂 Je trouve ça super chouette.
Et je retiens l’idée des petits cadeaux c’est trop mignon ! Merci du partage