Pour clôturer cette semaine de témoignages, je vous présente Emeline qui habite en Nouvelle-Calédonie. Après une mauvaise expérience en école alternative, elle a retiré son fils Kiran pour lui faire l’instruction à la maison. Emeline revient sur tout le cheminement pour en arriver à aujourd’hui où elle est également présidente d’une association qui réunit entre-autres les familles IEF et unschooling en Nouvelle-Calédonie. C’est parti pour ce joli témoignage.

Question 1 : Bonjour Emeline, peux-tu te présenter et présenter ta famille ?

Bonjour, nous sommes un couple de trentenaires, Emeline et Stéphane, et nous avons fait le choix de ne pas scolariser notre fils Kiran de 4 ans et demi.
L’idée même de le scolariser ne nous avait même pas traversé l’esprit … même si la pression familiale qui flottait au dessus de nos têtes était très difficile. Notre objectif : Mettre en place une organisation familiale permettant de faire l’instruction en famille.

 

Question 2 : Tu as fait le choix de ne pas scolariser Kiran. A-t-il eu une expérience à l’école et l’as-tu retiré ensuite ? Pourquoi ce choix de l’instruction à la maison ?

Nous n’élevons pas notre enfant pour le monde d’aujourd’hui. Celui-ci aura bien changé lorsqu’il sera grand. Nous souhaitons pour lui une éducation joyeuse en pleine nature, pour cultiver sa joie, sa créativité, et son autonomie ; dans un cadre respectueux et épanouissant. Nous voulons l’aider à cultiver son estime de soi et sa confiance, outils nécessaire pour affronter le Monde. Nous voulons respecter son rythme d’apprentissage sans lui imposer un emploi du temps strict afin qu’il cultive l’enthousiasme d’apprendre, ses facultés d’adaptation, être à l’écoute de ses besoins et de ses passions pour l’accompagner dans le développement de ses capacités, l’aider à trouver son potentiel, afin qu’il puisse se réaliser et accomplir son chemin de vie. Nous voulons qu’il grandisse en apprenant qui il est, et ce qu’il aime dans la vie. Nous ne voulons pas qu’il soit enfermé dans des cases, cloisonné dans une même tranche d’âge, le multi-âge est si enrichissant ! Nous ne voulons pas qu’il soit formaté, dans cet esprit compétitif, discriminatoire ou la personnalité de l’enfant n’est pas prit en considération.

La crèche ne s’était pas bien passée pour lui, il ne s’y sentait pas en sécurité, et subissait des morsures d’autres enfants régulièrement. Nous l’en avons retiré à l’âge de 2 ans. Au même moment, notre famille a dû surmonter un coup dur affectif et financier, qui a été difficile à gérer émotionnellement en même temps que l’éducation de notre fils à plein temps et en pleine crise de « terrible two » bien intense. Chercher une organisation pour pérenniser le fonctionnement IEF en même temps que trouver des revenus sécurisants, et nous guérir de nos blessures émotionnelles qui venaient de nous frapper était trop lourd pour nous.

Malgré nos idéologies, lorsque Kiran a eu 3 ans, nous l’avons scolarisé dans une école alternative qui venait tout juste d’ouvrir ses portes. Sur le papier, c’était la présentation de l’école idéale pour nous, apprentissages autonomes en petite structure dans un cadre de nature, avec des valeurs de bienveillance, respect, coopération …etc. Kiran connaissait déjà le lieu, et quelques enfants qui allaient aussi faire part de cette aventure, du coup ça nous rassurait, et à l’instant T, c’est ce qui nous a paru la meilleure solution.

Il s’est avéré que cette école n’était pas ce qu’elle devait être, il y régnait instabilité et violence. Kiran y était en insécurité physique et affective. Il est resté dans cette école 8 mois, ça a suffit pour qu’il y vive des expériences douloureuses et traumatisantes. On ne peut pas toujours faire confiance, encore moins lorsqu’il s’agit de nos enfants. Et nous sommes mieux servis par nous-même, c’est bien connu. Du coup, c’est en famille et en conscience qu’on a pu prendre cette décision d’IEF tous les 3, avec une joie intense de sortir de cette situation, qu’on a ressenti comme une libération. Même si il y avait aussi beaucoup de colère dans nos cœurs.

Question 3 : Tu as participé au programme « 21 jours pour démarrer l’instruction à la maison sans prise de tête » alors même que Kiran n’était pas en âge obligatoire d’instruction. Pourquoi ce choix en amont ?

À partir de notre décision, j’ai voulu cette fois-ci m’organiser et mettre en œuvre ce qui est nécessaire pour que ce mode de vie soit épanouissant pour nous 3 et ne nous épuise pas.
Faire l’école à la maison n’est pas ce qui m’inquiétait le plus, et puis j’avais pu voir comment s’organisait une école du 3ème type, j’ai pu remettre en place très vite des zones d’ateliers en apprentissage autonome. Ce que j’appréhendais plus, c’est de ne pas arriver à allier ce rôle de faire l’IEF, avoir Kiran avec moi à plein temps, continuer mon travail (indispensable), et continuer mon engagement bénévole dans mon association « Enfance Pacifique ». La pression !

Dans mes recherches j’ai adhéré au blog plaisir-d-apprendre … et au programme des 21 jours.

 

Question 4 : Concrètement, qu’est-ce que ce programme t’a apporté ?

Ce programme m’a apporté une certaine sécurité, de la paix, de l’assurance, de l’estime pour moi-même, de l’organisation à la maison… Mais aussi encore plus de motivation : il a cultivé mon enthousiasme.

Il m’a permis de mettre aussi en lumière, à l’écrit mes désirs et valeurs profondes. Il m’a montré, confirmé que oui, je pouvais faire l’instruction à la maison et aussi continuer de travailler et avoir du temps pour moi. Le tout est de bien se préparer, bien s’organiser. Mon point faible au début du programme, était la fatigue. J’avais besoin de faire une sieste en début d’après-midi ! Et bien ces petites astuces sur le repos et un bon sommeil, que je ne connaissais pas, ont été revitalisants !

Ce programme m’a aussi aidé, guidé dans la manière d’observer mon fils afin de mieux le connaître, et ces connaissances sur le bouquet des intelligences ainsi que les profils d’apprentissages ont été … WAOU ! D’autant plus révélatrices !

Question 5 : Comment s’est aménagée et organisée la vie de famille pour concilier ce projet de unschooling avec le reste ?

Je suis consultante à domicile dans le domaine du bien-être et développement personnel, mon mari est comptable dans l’administration. Kiran avait du mal avec le fait qu’on ne soit pas tous les 3 ensemble, que papa doive travailler tous les jours … il y a eu une phase de rejet compliqué à vivre pour le papa. Une chose était claire pour nous, il était hors de question de mettre le papa de côté, il fallait favoriser des temps où ils puissent être que tous les 2. Même si au début c’était difficile pour Kiran qu’on soit séparés …

Mais l’organisation familiale a très vite trouvé son rythme, le programme a bien aidé, et cela se passe bien, on a chacun trouvé notre place, les aménagements s’ajustent en fonction de nos besoins à chacun … Il fut un temps, en fin de journée, où Stéphane retrouvait Kiran dans un parc de jeux en sortant de son boulot, et moi, je profitais de ce temps père-fils pour aller travailler. Puis, ce rythme a fini par tous nous lasser,  Kiran d’aller au parc, Stéphane de voir que c’est le speed quand je rentre le soir, car malgré l’IEF on garde un timing bien réglé pour Kiran au quotidien. J’ai aussi eu moins besoin de ce temps seule en fin de journée, Kiran étant de plus en plus autonome, moi de moins en moins sollicitée, avec des journées de plus en plus agréables. Du coup je ne travaille pas tous les soirs, et parfois un jour dans le week-end. Un choix  de vie en voie de sobriété heureuse pour cultiver une belle qualité de vie émotionnelle.

En parallèle, je suis présidente d’une association « Enfance Pacifique » (à but non lucrative de loi 1901) qui propose des ateliers et des rencontres pour favoriser l’éveil de l’enfant, son épanouissement au sein de la famille, le maternage et la parentalité bienveillante. Je fais en sorte d’avoir au moins une journée par semaine à moi, et que Kiran soit gardé chez une autre famille IEF, une mutualisation se met en place, et c’est aussi comme ça qu’on voyait l’instruction à la maison.

Au niveau de l’organisation de l’instruction à la maison, on s’est pausé la question « cours ou apprentissages autonomes? » en penchant bien plus du côté des apprentissages autonomes mais avec quelques doutes dûs à un manque de recul, et une grosse pression familiale quant aux résultats « scolaires » ! Le doute n’a pas eu besoin de durer très longtemps, le plus adapté aussi bien pour Kiran que pour moi, est bien les apprentissages « libres ». Même si nous ne suivons pas de cours, on met le réveil chaque matin, et le coucher se fait à heure fixe également chaque soir. Kiran est en demande de voir des copains, 14 à 18h par semaine lui convient bien, plus de temps le met dans des émotions désagréables, surtout quand il est dans une ambiance d’agitation, avec trop d’enfants, il a son vase qui déborde. On organise du coup notre emploi du temps en fonction de son état émotionnel, qui est pas toujours simple à gérer, parfois on souhaite faire plein de sorties, d’autres fois moins … Quand on a besoin d’un temps « retraite » à la maison, ça fait du bien de nous recentrer, ressourcer mutuellement. Kiran aime voir de ses yeux et manipuler de ses mains. Il veut toujours comprendre comment techniquement les choses fonctionnent… C’est donc au rythme de ses envies, de ses besoins qu’il démonte, construit, transforme… Si une activité retient son attention, on fait notre possible pour ne pas casser cet élan de curiosité, qui selon-nous, est une grande qualité. Il aime aussi beaucoup faire la cuisine, qui l’amène naturellement à faire des mathématiques, vouloir écrire les chiffres, comprendre les dosages… Il a apprit à écrire son prénom, non pas en faisant des lignes de pratique tel qu’il est enseigné à l’école, mais en observant les lettres, en passant des questions sur celles-ci … et un jour, il me demande d’apprendre à écrire son prénom, je lui fais le modèle, et il a su l’écrire sans modèle en quelques heures seulement, comme il s’est senti fier de lui !

Je lui ai préparé des espaces de travail, de jeux, de bricolage – travaux manuels. J’ai mis à sa disposition une bibliothèque d’encyclopédies variées qui ouvre sa curiosité, un cahier avec des polycopiés issus du programme du cycle 1, des jeux éducatifs (calculs, lecture, découverte du corps humain, découverte du monde), des crayons, feuilles de dessin, peinture, outils, etc. Je suis le plus souvent une facilitatrice d’apprentissage qu’une enseignante avec lui.

Ce que j’adore, c’est que la source de ses questionnements vient naturellement par l’observation de son environnement et de lui-même. Et je me rends compte que d’être vraiment dans l’instruction à la maison, du fait qu’il ne soit pas à l’école, je suis bien plus attentionnée à ses interrogations et je l’invite même à creuser un peu le font de son besoin de savoir … Inscrit dans une école, et d’autant plus quand on la paie une somme non dérisoire, j’avais tendance à me reposer sur elle pour son apprentissage ! Et en même temps, c’est à un instant T qu’il souhaite combler cette connaissance, c’est quand on souhaite apprendre, qu’on est prêt et attentionné, qu’on capte et retient le mieux l’information ! Et ça c’est notre valeur !

Question 6 : Comment se passe la vie en IEF en Nouvelle-Calédonie ? Est-ce que vous êtes une famille isolée ou une petite communauté qui s’entraide ?

Fin 2014, un groupe FB a été créé pour regrouper les personnes pratiquant ou intéressées par l’instruction en famille et les apprentissages autonomes en Nouvelle-Calédonie. 

Grâce à celui-ci, plusieurs familles se sont rencontrées, et rassemblées pour organiser des sorties de groupe ludiques et pour le plaisir de se retrouver, parents et enfants multi-âges… De multiples échanges enrichissants pour les uns et les autres, du soutien, de l’entraide, lors de moments pas toujours facile pour les parents… Bref, un groupe de parents convaincu par le bienfait de l’instruction à la maison et motivé.

En Juin 2015, ce groupe a eu le désire d’être représenté par une association qui répondrait aux attentes, aux besoins de ses familles. C’est pour cela qu’au lieu de créer une association à part comme il était prévu, nous avons décider tous ensemble de mutualiser nos forces et ressources avec l’Association ENFANCE PACIFIQUE créée en 2009 et qui porte les valeurs de ce noyau fort fondateur de ce groupe IEF en Nouvelle-Calédonie. Après la dynamisation orientée IEF que j’avais donnée à l’Asso, on m’a proposé la présidence en 2015 que j’ai acceptée. ENFANCE PACIFIQUE a du coup évolué par une branche de son arbre « instruction en famille » et plusieurs ateliers enfants-parents s’organisent chaque semaine depuis. Avec le recul d’expérience de ses familles, il s’est ressenti un épuisement des parents de n’avoir pas de temps pour soi, et un manque parfois des enfants de sortir du cadre familial.

 Depuis, certaines familles ont prit la voie de l’école alternative (Montessori ou 3ème type), mais au sein de l’asso nous sommes 17 familles à ce jour en instruction à la maison.

Depuis 2017 on a mis en place des ateliers réguliers où les parents déposent leurs enfants à des professionnels – partenaires de l’association, à des créneaux fixes et réguliers, sur inscription.
 Ceci pour plusieurs raisons : proposer des temps d’apprentissages en collectivité, proposer un rythme régulier qui soit un repère (surtout pour les 3-6 ans), permettre aux parents d’avoir du temps pour eux, proposer des sorties visites (aquarium, musée, théâtre)… Les parents proposent aussi gratuitement des animations d’ateliers (sciences avec des expériences, contes et confections de marionnettes, ateliers sur les alphas…) Un papa a même organisé une visite du bateau de guerre sur lequel il travaille.

En NC (Nouvelle-Calédonie), Par la Délibération 106 du 15 janvier 2016 du congrès de la Nouvelle-Calédonie, relative à l’avenir de l’école calédonienne, nous sommes désormais officiellement dans la légalité de faire l’instruction à la maison ! Jusque là, nous étions dans un vide juridique, même si il était stipulé que l’école était obligatoire à partir de 5 ans, rien n’interdisait vraiment l’instruction à domicile peu importe la forme…

  • Avant 5 ans, pas besoin de certificat de scolarité pour les prestations familiales car l’instruction est obligatoire à partir de 5 ans ici.
  • Au sujet des contrôles… c’est le questionnement plus ou moins avec inquiétudes chez certaines familles, car il n’y a eu encore aucun contrôle à notre connaissance. On est du coup dans l’inconnu de comment ça va se passer… et on n’a pas tant de précisions dans nos règlementations locales.
  • On doit tout de même informer de l’instruction à domicile de notre enfant et une attestation de scolarisation à domicile nous est envoyée en retour de notre déclaration, précisant « La direction de l’enseignement de la Nouvelle-Calédonie en sera informée pour organiser les contrôles pédagogiques nécessaires, conformément aux articles 2.1 et 2.2 de la délibération, 106 du 15 janvier 2016 du congrès de la Nouvelle-Calédonie, relative à l’avenir de l’école calédonienne. »
Question 7 : Quel(s) conseil(s) as-tu envie de donner aux familles souhaitant se lancer dans le unschooling ou toute autre forme d’instruction à la maison ?

Se lancer dans le unschooling ou l’IEF n’est pas la voie la plus facile, c’est une réelle conviction, et même si elle est profonde, je conseille de vous y préparer pour rendre l’aventure plus simple et agréable et ne pas s’épuiser. . Avoir son enfant à plein temps n’est pas la chose plus simple, mais lorsqu’on y est préparé, c’est un réel bonheur ! Quoi que… là encore ça se discute, car personnellement, la vie de famille est plus zen maintenant par rapport aux 8 mois où Kiran a été scolarisé, car il est désormais plus serein, et nos inquiétudes à gérer au quotidien sont minimisées.

L’important est de trouver l’équilibre, d’arriver à se dégager du temps SEULE régulièrement, pour notre bien-être personnel. Quand on se sent bien, tout va comme sur des roulettes. Quand on est fatigué, notre enfant sait toucher là où ça fait mal. C’est une expérience enrichissante, on se retrouve fasse à notre enfant intérieur, notre développement personnel fait un bon en avant, dans des situations pas toujours agréable, mais c’est passionnant, la magie de la vie ! On m’avait dit qu’on n’était pas fait pour élever nos enfants, les avoir avec nous, qu’il fallait relayer leur instruction à une tiers personne, ou à l’école … aujourd’hui je suis convaincu du contraire. Je pense qu’élever nos enfants, les avoir auprès de nous, nous permet de mieux les connaitre, mais aussi nous-même d’évoluer et de nous améliorer grâce au reflet qu’ils nous revoient.

Je conseille, c’est sûr, à toutes les familles qui souhaitent sauter le pas, de faire le programme des 21 jours, ça en vaut vraiment le coup !

J’aimerais aussi dire aux parents, que même si c’est souvent la maman qui prend ce rôle, le papa ne doit pas être mit à l’écart. L’enfant a autant besoin de son papa que de sa maman, c’est important que le papa provoque des moments, des sorties tête-à-tête avec son enfant pour maintenir l’équilibre familial, et que l’enfant puisse devenir autonome.

Et cultiver la communication bienveillante au sein de la famille, ce qui n’est pas toujours évident.

 

Un grand merci Emeline pour ce partage si enrichissant. Si vous souhaitez vous lancer dans l’aventure de l’instruction à la maison, rapprochez-vous d’associations comme celle d’Emeline, de groupes facebook (qui existent même par région), et si vous en ressentez le besoin, je peux vous accompagner dans votre cheminement et préparation : si cela vous intéresse, cliquez ici 🙂

 

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