Si vous avez raté la première partie de ce dossier sur les capacités et fonctionnements du cerveau humain, cliquez simplement ici pour y accéder. Dans cette première partie, j’ai abordé le fait que 1/ le cerveau localise d’abord les objets sans les identifier, 2/ il recycle certains neurones au cours de la vie, 3/ mémoriser lui demande énormément d’attention, 4/ nous avons deux systèmes de prise de décision (qui parfois nous embrouillent), et 5/ pour chaque nouveau mot, le cerveau utilise 3 sortes de neurones dans des régions différentes… Si vous êtes prêt-e, on continue l’exploration avec 5 autres capacités incroyables sur notre cerveau. Et si vous le souhaitez, vous pouvez écouter la totalité de ces 10 éléments en version audio, en cliquant sur « play » ci-dessous.
6/ L’attention, c’est le moyen qu’a le cerveau de nous éviter de mourir d’épuisement
Il faut comprendre qu’entre les milliers d’informations reçues par nos 5 sens, le cerveau est comme bombardé. Il ne peut pas tout traiter, sinon, nous serions morts « d’épuisement énergétique ». Donc le cerveau doit faire des choix. C’est ce qu’on appelle l’attention. Et l’attention peut être volontaire, ou non. Comment ça fonctionne ? C’est tout simple.
- La mémoire de travail gère l’attention (mais l’attention est une donnée limitée).
- Une autre partie de la mémoire de travail se charge de l’action en cours (ce qu’on pense, ce qu’on fait, ce qu’on dit…)
- Enfin, une dernière partie met en attente les informations qu’on voulait garder, avant d’être interrompu (par exemple, si j’étais en train de parler à quelqu’un et que mon attention a été piégée par quelqu’un qui a ouvert la porte pour rentrer dans la salle, c’est cette partie de la mémoire du travail qui se charge de garder en attente ce que j’allais dire, le temps que mon attention revienne à la personne avec laquelle je suis en train de discuter).
C’est le cerveau qui décide tout seul dans son coin, de ce qu’il juge intéressant à garder ou non en mémoire de travail. S’il juge l’information pas assez intéressante, il va soit l’éliminer, soit la ranger dans la mémoire à long terme. Et il passe de l’attention volontaire à l’attention involontaire en quelques millisecondes.
7/ Notre cerveau vit avec des erreurs qui ne s’effacent pas, mais qui cohabitent avec la vérité
Avec l’accumulation d’expériences et d’informations au fil des années, chaque cerveau humain se fait ses propres règles. Une expérience a été réalisée par Éric Gaspar, l’auteur du livre « Incroyable cerveau » : Il a posé la question suivante à plusieurs personnes « L’autruche est-elle un oiseau ? ». La réponse « oui » a été donnée dans 60% des cas. Pourquoi tout le monde n’avait-il pas le même avis ? À cause du système de croyances (les règles) élaboré dans l’enfance. Pour certains, un oiseau a un bec et des plumes, donc l’autruche rentre dans la règle. Pour d’autres, un oiseau vole : l’autruche ne rentrait pas dans la règle. Quand on donne l’affirmation réelle que l’autruche est bel et bien un oiseau, certaines personnes ne seront donc pas d’accord. Parce que leur pensée réflexe a établi comme règle, le contraire. Hé oui, notre cerveau nous joue des tours.
La pensée réflexe résulte donc d’une croyance. Le cerveau ne va pas considérer une fausse croyance comme une erreur si elle fonctionne à presque tous les coups. Comme son objectif est de raisonner vite, tout en consommant le moins d’énergie possible, le cerveau est satisfait s’il réussit à être dans la bonne orthographe, la bonne attitude, le bon choix de vie, la bonne explication, et cela 999 fois sur 1000. Il est content puisque son taux de réussite est très bon, et qu’en plus il le fait rapidement. Il s’en fiche d’avoir eu faux 1 fois sur 1000 : il préfère cette option plutôt que de réfléchir longuement à tout.
Si la pensée réflexe donne une réponse juste presque à tous les coups, la règle reste valable pour le cerveau. On ne peut donc ni la supprimer, ni l’effacer. Au mieux, on pourra l’inhiber. C’est-à-dire stopper la pensée réflexe et se rappeler qu’elle peut potentiellement être source d’erreur. La meilleure solution, ce sera les astuces mémnotechniques. Dans l’exemple cité ci-dessus, on peut se souvenir qu’un oiseau ne vole pas forcément et donc inhiber la pensée en réflexe en se disant « l’autruche ne vole pas, mais un oiseau ne vole pas forcément, donc la bonne réponse est que l’autruche est un oiseau ». C’est le même mécanisme qu’il se passe devant une règle grammaticale, l’orthographe d’un mot, ou un raisonnement mathématique. En pratique, lorsqu’on avertit l’enfant qu’il peut y avoir un piège à éviter dans un exercice proposé, l’élève est beaucoup plus attentif et obtient de meilleurs résultats.
8/ Notre cerveau fait des prédictions, et parfois elles sont fausses.
Notre cerveau enregistre toujours une nouvelle information avec son contexte. Et du coup, il anticipe souvent, en faisant une estimation basique des probabilités de trouver cette information dans le même contexte ou ailleurs. Voici un exemple concret et facile pour comprendre cela : je rencontre mon kiné pour la première fois à son cabinet (le contexte, c’est le cabinet du kinésithérapeute). Mon cerveau s’attend à le voir si je passe vers le cabinet. Ses prédictions sont basées sur le fait qu’il y a de fortes probabilité que mon kiné soit dans les parages. Si maintenant je croise mon kiné au magasin (un contexte tout à fait différent), comme il y avait très peu de chances de le croiser là, mon cerveau n’avait pas prédit, ni prévu que je le rencontre dans ce contexte. L’innatendu fait que le délai d’identification est plus long. Je vais me dire que son visage me dit quelque chose et je vais mettre un certain temps à le reconnaître vraiment. Mon cerveau avait fait une prédiction fausse. Le fait qu’il se soit trompé m’a surprise.
Il en est de même dans les apprentissages. Si j’apprends ma leçon dans un contexte bien particulier, je peux ne pas réussir à retrouver les informations le jour de la restitution en classe. Mon cerveau a pu enregistrer la leçon dans un contexte, et ne retrouvant pas le même contexte, il est surpris parce que ses prédictions sont fausses. Et c’est comme ça que je peux me retrouver à la fin du contrôle à retrouver exactement ce que j’avais appris, mais c’est trop tard… Il y a un moyen simple pour éviter ce genre d’imprévu, c’est d’apprendre une même leçon dans différents contextes, de manière à ce que le cerveau ne soit pas surpris de restituer les informations dans un autre environnement.
9/ L’image mentale est aussi puissante qu’un geste physique réel
Lorsque le cerveau se représente une scène fictive, lorsqu’on voit « une image dans sa tête », c’est ce qu’on appelle une image mentale. Par exemple, si je dis chocolat, vous pouvez voir dans votre tête une gateau au chocolat qui sort du four, ou entendre quelqu’un croquer dans un carreau de chocolat, ou encore voir une tasse de chocolat chaud fumante avec l’odeur qui vient vous chatouiller le nez. Vous vous représentez dans votre tête une image mentale.
L’image mentale nous permet de visualiser des mots, des concepts, des gestes ou des mouvements, tout en restant immobile. Et bien une des grandes découvertes de ces dernières années est la suivante : le cerveau active exactement les mêmes aires cérébrales quand il effectue un geste physique réel ou quand il ne fait que l’imaginer. Le réel et l’image mentale sont très proches, ce qui fait qu’imaginer un geste est un réel entrainement pour le geste réel. Par exemple, on a analysé des sportifs. Quand un sportif s’entraîne physiquement, il augmente de 30% sa force musculaire. Quand il s’entraîne mentalement, il augmente sa force musculaire de 22% (l’énergie et la fatigue en moins). Alors bien sûr, il ne suffit pas de s’entraîner mentalement. Les scientifiques nuancent eux-mêmes leurs découvertes. Ce qui est vraiment efficace, c’est la combinaison des deux, parce que le mouvement imaginé n’a pas toujours la même vitesse que le mouvement réel.
Ce que je voulais mettre en évidence, c’est que l’image mentale est un des pouvoirs qu’on a pour mieux apprendre : c’est-à-dire plus efficacement, en moins de temps, pour plus longtemps, et plus facilement.
10/ Répéter quelque chose plusieurs fois ne suffit pas pour apprendre
Je ne parle pas de la répétition du geste qui est une façon très efficace de maîtriser le geste. Je parle ici de la répétition à l’oral d’une information. Lorsqu’on a besoin de retenir quelques chose, on a tendance à le répéter plusieurs fois. C’est le cas lorsqu’on cherche son téléphone et qu’on ne veut pas oublier notre mission le temps de passer d’une pièce à l’autre dans la maison. C’est aussi le cas lorsqu’on répète le code d’entrée de l’immeuble d’un ami qui vient de nous le donner par téléphone. Cette stratégie s’appelle la boucle phonologique. C’est une stratégie facile à mettre en place, mais qui est très fragile. Pourquoi ?
- Parce que si notre attention est détournée, c’est fichu.
- Parce que c’est une partie de la mémoire de travail (donc à court terme) qui garde l’information pendant seulement 2 secondes. Après, elle l’efface. Toutes les deux secondes, la boucle phonologique efface son contenu et accueille le suivant. Heureusement, elle n’est pas difficile et accepte que le nouveau contenu soit le même que le précédent. On peut donc remplacer le contenu de la boucle phonologique par le même contenu.
- Parce que le rappel en série est aussi limité en syllabes (entre 10 et 12). On ne peut donc pas retenir beaucoup d’éléments avec cette technique.
Donc répéter plusieurs fois un même élément permet de s’en souvenir sur une courte période, le temps d’atteindre un objectif. Mais en aucun cas de mémoriser des informations à moyen ou à long terme. Pour cela, il faut d’autres stratégies, dont je vous parlerai prochainement 🙂
Et voilà, nous avons découvert ensemble 10 particularités de notre incroyable cerveau. Mieux le comprendre, c’est mieux l’utiliser 🙂 Et si vous souhaitez aborder d’autres pouvoirs du cerveau, faites le en commentaire, ce sera très enrichissant. Merci d’avance 🙂