« Bonjour Anne Estelle. Je suis un papa d’un garçon hyper émotif de 4 ans et demi et à chaque fois que je pars au travail, c’est un déchirement (il pleure, il est en colère, il ne veut plus me voir et me dit de rester au travail). Chaque matin c’est pareil. Auriez vous quelques conseils à me donner afin d’expliquer au mieux à mon enfant, j’ai essayé de lui expliquer comme j’ai pu le monde du travail mais rien n’y fait ! Merci beaucoup, vous êtes vraiment une aide considérable !!! »
Pourquoi les enfants souffrent-ils autant de se séparer de leurs parents ?
Mettons-nous un peu à la place de l’enfant. Il a grandi dans le ventre de sa maman pendant 9 mois, puis à sa naissance a vécu une période de fusion avec ses parents qui se sont occupés de lui et répondu à tous ses besoins (le nourrir, le changer, le câliner, l’aider à dormir, se sentir en sécurité…).
Vient ensuite le temps de la séparation. La séparation est quelque chose de nécessaire pour l’adulte et pour l’enfant. Mais souvent, elle n’intervient pas en douceur, et est assez précoce. Dans toutes les sociétés tribales, les enfants sont avec leur figure d’attachement (généralement leur mère mais aussi parfois leur père) jusqu’à 4, 5 ou 6 ans. Leurs premières années sont essentielles pour recevoir le plein affectif nécessaire pour ensuite évoluer en se sentant en sécurité dans la vie.
Aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, les enfants se retrouvent souvent chez une nounou à quelques mois de vie (ou dans une crèche), puis à l’école à l’âge de 3 ans. Ce n’est pas une critique mais juste une explication pour comprendre pourquoi c’est un contexte difficile émotionnellement pour l’enfant : la séparation d’avec sa figure d’attachement + gérer ses émotions + évoluer dans un cadre différent de la maison avec de nouvelles règles + être avec d’autres enfants (qui n’ont pas les mêmes besoins) + s’éveiller au monde et apprendre + le rythme de vie assez soutenu + peu de temps en extérieur… Tout cela à un âge où l’enfant préfèrerait être avec ses parents, jouer et avancer à son rythme.
Donc un enfant de moins de 6 ans peut entendre pourquoi c’est nécessaire que ses parents aillent travailler, mais il ne peut pas le comprendre. C’est à des années lumières de ce qu’il ressent. Certains enfants arrivent à gérer cela plus facilement que d’autres, mais comme vous le savez, nous ne sommes pas tous à égalité face aux émotions.
Enfin, certaines circonstances accentuent le sentiment d’insécurité de l’enfant : un changement de style de vie (divorce, déménagement, arrivée d’un petit frère, une copine qui déménage, nouvel instituteur, etc.), un manque de familiarité (besoin d’un temps d’adaptation), la timidité, la peur (l’enfant n’a pas peur d’être sans ses parents mais peur d’autre chose comme la peur de l’inconnu, des monstres, de se faire mal…), des angoisses (de la mort par exemple), de la honte, etc. L’enfant ne choisit pas d’éprouver ce qu’il ressent, il n’aime pas ressentir les effets (il préfèrerait ne pas en avoir) et il ne sait pas comment s’en débarrasser. Il faut savoir que lorsque l’être humain a peur, soit il fuit, soit il lutte. Le petit enfant ne peut ni fuir, ni se défendre seul. Il s’appuie donc sur ses parents.
Comment mieux vivre la séparation en tant que parent ?
Pour aider son enfant à bien vivre la séparation, il faut déjà bien la vivre soi-même. Voici quelques pistes :
- Faire le bilan sur nos propres expériences de séparation étant enfant,
- Savoir pourquoi on le fait,
- Accepter l’idée que ça peut être dur et ne pas culpabiliser : on peut le dire à l’enfant sans que cela pèse sur lui. Par exemple « je vais penser à toi, mais je sais que ça va aller parce que tu vas t’amuser de ton côté pendant que je vais travailler. Et ce soir, on aura plein de choses à se raconter. »
- Y aller en douceur,
- En parler à une oreille attentive si besoin.
10 façons d’aider l’enfant à bien vivre la séparation
- Materner sans culpabiliser : plus nous répondons aux besoins d’attachement de l’enfant dans sa petite enfance, plus il deviendra confiant et sûr de lui en grandissant.
- Jouer à cache-cache, pour habituer l’enfant à se séparer et à se retrouver.
- Favoriser les temps calmes et en autonomie : un bébé peut être éveillé et seul, calme, observer les murs, rêver les yeux ouverts, jouer (s’il n’appelle pas c’est qu’il est bien). C’est valable aussi pour les plus grands (vous avez un article sur ce sujet ici).
- Installer un rituel de séparation : prévenir l’enfant avant (lui dire quand nous partons et où, et quand nous reviendrons) + utiliser une même phrase ou un même geste à chaque fois (un câlin, 3 bisous, un check, une chansonnette) + prendre 5 minutes (une séparation qui s’effectue dans la précipitation augmente le risque d’anxiété) + ne pas s’éterniser (une fois le « au-revoir » dit, il est important de partir vraiment).
- Les mots qui font du bien (pour un enfant qui sait lire) : écrire ou imprimer des petites phrases que l’on glisse dans les poches de l’enfant et qu’il lit dès qu’il se sent triste sans nous. Ces petites phrases peuvent être des mots d’amour, des compliments, des choses positives sur lui, des phrases de motivation, etc.
- Le jeu du lapin calme : à faire avant la séparation (on peut l’inclure dans le rituel de séparation) : on est des lapins calmes. On ferme les yeux, on se détend, on inspire, on expire. C’est l’heure où le lapin s’installe confortablement et se repose. On remue nos nez de lapin. Maintenant, nos visages de lapin ne bougent plus, ils ne parlent plus. On remue les doigts de pieds. Maintenant on ne les bouge plus. On remue les doigts. Maintenant on ne les bouge plus. Et ainsi de suite avec les bras, les épaules, les jambes… On inspire, on expire. Maintenant on est des lapins contents, détendus et calmes.
- Le bracelet « magique » : cette idée a été proposée par Elisabeth Pantley (une auteure et maman américaine). Le bracelet est un objet transitionnel (comme le doudou) qui aide à se séparer en toute confiance de ses parents. Le bracelet doit être solide, facile à enlever et à remettre, assez discret et facile à remplacer s’il se casse ou s’il est perdu. On offre le bracelet à l’enfant comme quelque chose de spécial qui rappellera à l’enfant qu’on l’aime tout le temps, même quand on n’est pas avec lui. On peut vaporiser notre parfum dessus. Le bracelet devient comme un bout de nous qui amène un sentiment de sécurité à l’enfant.
- Le smiley dans la main : avec un feutre indélébile on peut dessiner un smiley qui sourit. On peut lui rajouter des lunettes si nous en portons, ou des cheveux comme les nôtres. C’est comme si l’enfant portait un mini papa ou une mini maman toute la journée avec lui.
- Le bisou dans la main : dans son livre « Le Bisou secret », Audrey Penn raconte l’histoire d’un petit raton laveur qui a peur de son premier jour d’école. Sa maman, pleine de sagesse, embrasse la paume de sa main et lui explique que s’il s’inquiète, il peut la presser contre sa joue et se dire « Maman m’aime ». Elle ajoute que son bisou sautera de sa main à son visage et lui fera tout chaud au cœur. L’enfant peut donc à tout moment poser sa main sur sa joue et se remonter le moral. L’auteure termine l’histoire ainsi : le petit raton laveur offre son propre bisou dans la main de sa maman afin qu’elle passe elle aussi une bonne journée.
- La main : sur une feuille un peu épaisse, posez votre main et dessinez le contour de votre main au feutre. Offrez votre dessin à votre enfant. La feuille peut se plier pour entrer dans sa poche. Quand l’enfant se sent seul, il déplie la feuille et pose sa main sur l’empreinte de la vôtre et se sent proche de vous donc en sécurité.
J’espère sincèrement que cet article vous aura aidé et que vous pourrez accompagner les plus sensibles dans leur gestion des émotions. Car on le sait bien, quand les émotions prennent toute la place, impossible de réfléchir, de se concentrer et donc d’apprendre. N’hésitez pas à partager vous aussi vos astuces qui ont aidé vos enfants à se séparer de vous plus facilement.